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vente

sam. 26 janvier à 14h30

expo

Jeu. 24 : 16h-18h
Vend. 25 : 9h-12h / 14h-18h
Sam. 26 : 9h-11h

Lot n°1

Raden Syarif Bastaman SALEH (Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 - Bogor 1880), "Portrait présumé d'Alexandre Pouchkine", sur sa toile et son châssis d'origine, signée et datée à droite "Raden Saleh 1841", 59 x 52,5 cm
(Petites restauration anciennes, petits accidents et petits soulèvements, sans cadre)
* Provenance : Collection particulière
* Expert : Cabinet Turquin

Elève du peintre de genre et portraitiste Cornelis Kruseman à La Haye, Raden Saleh a peint de nombreux portraits dans un style néoclassique académique, encore conventionnel, au cours des années 1830 (plusieurs sont conservés au Tropenmusuem et au Rijksmuseum à Amsterdam). Notre tableau témoigne de l'approfondissement de l'art de Raden Saleh au cours de son séjour à Dresde entre fin 1839 et janvier 1845. La ligne devient plus souple, le modelé plus doux et fondu, la touche plus enlevée. Il adopte le style romantique, avec un pinceau plus vigoureux : ici, il ose un fort empâtement sur le front et sur le col blanc qui se détachent encore plus fortement. La pose est nonchalante, appuyant son aisselle sur le dossier d'un fauteuil, sa chevelure est décoiffée, son expression inspirée.
Notre toile montre une connaissance des oeuvres françaises de l'époque, ou légèrement antérieures. On pense à la comparer aux portraits de Delacroix (ill.1) ou à ceux d'Ary Scheffer, par exemple l'Autoportrait de 1839 (ill.2, Amsterdam, Rijksmuseum) qui partage la même gamme colorée. A Dresde, où réside Raden Saleh en 1841, un peintre tel que Carl Christian Vogel von Vogestein a lui aussi évolué du néoclassicisme à un romantisme plus chaleureux. Citons son portrait de Friedrich van Amerling (1837, collection particulière)

Dans tous les cas cités, la représentation d'un autre artiste, peintre ou poète, se prête plus facilement à une plus grande liberté picturale que celle d'un commanditaire bourgeois. Citons par exemple, le portrait que Raden Saleh donne de son ancien maître, le peintre Antoine Payen, lui aussi paysagiste des Indes Néerlandaises, daté de 1847 (ill.3, Leyde, Nationaal Museum van Wereldculturen, RV-5030-1).

Nous proposons d'identifier le modèle de notre toile avec le célèbre écrivain russe Alexandre Sergueïevitch Pouchkine (Moscou 1799-Saint-Pétersbourg 1837), par comparaison avec les portraits contemporains de Vassili Tropinine (ill. 4, 1827, Musée Pouchkine, Moscou), d'Oreste Kiprensky (ill. 5, 1827, Galerie Tretiakov, Moscou) et de Pyotr Fyodorovich Sokolov (ill. 5, 1836, Musée de la Russie de Pouchkine, Saint-Pétersbourg). On peut y déceler certaines caractéristiques physiques communes : les yeux d'un bleu presque vert, les cheveux bouclés et les favoris très à la mode à cette époque.
Notre peintre et l'auteur russe ne sont jamais rencontrés. La toile étant datée de 1841, soit quatre ans après la mort du modèle, Saleh a probablement dû s'inspirer des peintures citées ou de gravures qui ont popularisé sa physionomie (la photographie ne se diffuse qu'après 1840, ce qui exclue aussi l'utilisation de ce médium).Il existe d'autres portraits posthumes dans le corpus de notre artiste (par exemple, le Portrait du gouverneur général Hermann Willem Daendels en 1838 au Rijksmuseum).

Romancier et poète, Pouchkine est connu pour ses nouvelles et ses contes comme Récits de feu Ivan Pétrovitch Belkine (1830), le Conte de la Princesse morte et des sept chevaliers (1833), son roman en vers Eugène Onéguine (1823-1830) ou encore Le Cavalier de bronze (1833). Nombre de ses oeuvres furent mises en opéra, notamment La Dame de Pique (1834) et Poltava (1824) par Tchaïkovski. En 1820, ses textes furent jugés séditieux par l'empereur Alexandre Ier qui le condamna à six ans d'exil en Ukraine, dans le Caucase, puis en Crimée. Le Voyage à Arzroum, au cours de la campagne publié en 1829, est tiré de ses Notes de voyage en Turquie pour rejoindre l'armée russe. Sa mort en duel contre le baron Georges d'Anthès, qui était soupçonné d'avoir eu une relation avec sa femme, a assuré une grande célébrité à ses oeuvres dans le reste de l'Europe.

Nous remercions Madame Marie-Odette Scalliet, Monsieur Werner Kraus pour l'aide qu'ils nous ont apportée dans la rédaction de cette notice.


On ne présente plus Raden Saleh, le plus grand peintre indonésien du XIXe siècle, surtout à Vannes où notre étude a obtenu le record du monde pour une de ses oeuvres il y a un an, le 27 janvier 2018. Artiste ayant connu une réelle notoriété au milieu du XIXème siècle, sa renommée a grandi ces vingt dernières années au fil des redécouvertes de ses tableaux et de l'engouement des collectionneurs. Après deux rétrospectives à la Galeri Nasional Indonesia à Jakarta en 2012 et au Lindenau-Museum d'Altenburg (Thuringe) en 2013, il a fait l'objet d'une exposition à la National Gallery Singapore de Singapour de novembre 2017 à mars 2018.

* Biographie de l'artiste :

Raden Saleh est le premier artiste moderne de l'Indonésie. Montrant des dispositions pour le dessin, le jeune Raden Saleh fut envoyé à Buitenzorg (résidence du gouverneur général) par son oncle, le régent de Semarang (sur l'île de Java). Il fut confié au peintre paysagiste belge Payen (1792-1853, dont il fréquenta l'atelier pendant cinq ans. En 1829, un fonctionnaire colonial lui offrit de l'accompagner aux Pays-Bas. Désireux de poursuivre son éducation en Europe, Raden Saleh obtint une bourse du gouvernement néerlandais en 1830 et s'installa à La Haye, où il eut pour maîtres le peintre de genre et portraitiste Cornelis Kruseman (1797-1857) et le paysagiste Andreas Schelfhout (1787-1870). Il vécut en Hollande jusqu'en 1839, puis partit pour un voyage d'étude en Allemagne. Après avoir visité la France Düsseldorf, Francfort et Berlin, l'artiste s'installa à Dresde durant quatre ans. Il rencontra alors le sculpteur danois Berthel Thorvaldsen (1770-1844) et le peintre norvégien Johann Christian Dahl (1788-1857), dont l'influence est perceptible dans ses paysages. Il fut un proche du duc Ernest II de Saxe-Cobourg et Gotha (1818-1893 qui l'invita à Cobourg en 1844.

En 1845, il s'installa à Paris, rencontra Horace Vernet (1789-1863), qu'il appréciait depuis longtemps. Vernet l'invita à travailler dans son atelier à Versailles. Le comte de Pourtales lui acheta deux tableaux. Il peignit notamment une large toile, La Chasse au cerfs aux Indes en 1846, destinée au roi de Hollande, ainsi qu'une Chasse au tigre qui fut achetée cette même année par le roi Louis-Philippe pour deux mille cinq cents francs (l'oeuvre a probablement disparu lors de la destruction du château de Neuilly en 1848). En 1847, la Chasse au cerf dans l'île de Java, exposée au Salon (239 x 346 cm), reçut un accueil très favorable du public et de la critique (Théophile Gautier le compare aux grands peintres animaliers de l'époque). Acquis par le roi pour trois mille francs, ce tableau est actuellement conservé à la mairie de Saint-Amand-Montrond dans le Berry (dépôt du Louvre).

En 1851, après plus de vingt ans en Europe, Raden Saleh retourna à Java. En tant que premier artiste formé en Europe, il reçut de nombreuses commandes des membres de la société coloniale. En 1869, il offrit deux tableaux à Napoléon III en guise de remerciement pour l'accueil qu'il avait reçu en France, qui furent détruits dans l'incendie du palais en 1871. L'artiste retourna brièvement en Europe entre 1875 et 1878, et mourut l'année suivant son retour à Java. Dix-neuf de ses peintures étaient montrées dans l'Exposition internationale coloniale et d'exportation générale de 1883 à Amsterdam. Il est également à noter que le tableau exposé au Salon de 1848 à Paris a été perdu dans l'incendie qui détruisit le pavillon des Inde néerlandaises à l'Exposition Coloniale Internationale à Paris en 1931.

Adjugé 100 000 € marteau